Entretien | "Défi Urbain", Pierre-André de Chalendar et Daniel Behar
1er octobre 2021
À l'occasion de la publication de son ouvrage Le Défi urbain. Retrouver le désir de vivre en ville (paru le 10 mai 2021, chez Odile Jacob), Pierre-André de Chalendar, Président du Groupe Saint-Gobain, a décidé de s'entretenir avec des personnalités du monde de l’urbanisme et des penseurs de la ville de demain, pour confronter les points de vue et nourrir la réflexion sur ce sujet.
Pour le deuxième entretien de cette série, publié le 1er octobre 2021, c'est avec Daniel Behar que discute Pierre-André de Chalendar. Daniel Behar est géographe, professeur à l'École d'Urbanisme de Paris (coresponsable du cycle de formation continue Grand Paris : agir en situation métropolitaine), co-titulaire de la Chaire "Aménager le Grand Paris", directeur de la coopérative ACADIE, membre du Lab'Urba. Au fil de l'entretien, Pierre-André de Chalendar et Daniel Behar approfondissent les évolutions de l'urbanisme contemporain, entre priorités et contradictions : les mobilités, la désirabilité des villes, le télétravail, la densification, la végétalisation, le recyclage, l'économie circulaire, les logistiques, la gestion de la rareté, la planification, la gouvernance (locale, globale), l'innovation, l'ingénierie des matériaux, et plus encore.
Extrait :
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Pierre-André de Chalendar : On continuera à avoir besoin d'une logistique du dernier kilomètre…
Daniel Behar : Du dernier kilomètre : c'est l'ensemble de la chaîne de la logistique. Et cela renvoie à mon troisième point, sur lequel vous insistez beaucoup : la circularité des matériaux, le recyclage urbain. Ce que moi j'appelle le 'métabolisme urbain'. Et on voit bien que là aussi, le grand Paris est assez spécifique. Parce que cette aspiration est confrontée au fait qu'on soit, justement, comme vous le disiez, une ville-monde, avec une dimension productive importante, qui est assez spécifique dans les villes-mondes. Ne serait-ce que la ville-monde alimentaire, par exemple.
Pierre-André de Chalendar : Oui, mais sur la circularité, on est en avance dans la région parisienne par exemple, par rapport au reste de la France. Dans mon domaine — et c'est très intéressant le domaine du bâtiment et des matériaux, parce qu’il se trouve que nos matériaux sont recyclables à l'infini. Notre problème, c'est de collecter les matériaux anciens. De ce point de vue, dans la manière dont on conçoit nos matériaux du futur, il faut concevoir nos matériaux et la manière dont ils sont installés de manière à ce que les bâtiments deviennent une banque de matériaux du futur.
Si vous voulez, aujourd'hui, si je prends le verre plat ou la plaque de plâtre : je pourrais mettre plus de produit recyclé que je n'en mets. Mon problème c'est de les trouver, et de les récupérer. Et une fois que je les utilise, pour fabriquer du neuf, je consomme alors beaucoup moins d’énergie et de CO2 : c'est extrêmement vertueux.
Et quand je dis que Paris est en avance, c'est qu’avec ces mécanismes de collecte, de retraitement, ces filières comme les REP [filières à Responsabilité élargie des producteurs] qui arrivent : on va accélérer sur tous ces sujets-là. On est très en avance sur la région parisienne. Parce qu'il faut une incitation à cette collecte.
Si je prends le sujet des matériaux : en région parisienne, nous avons depuis très longtemps, chez Point P, ce qu'on appelle nos déchetteries : on récupère les matériaux. Et ça marche très bien.
Dans beaucoup de zones plus rurales, on n’est pas compétitifs face à l'enfouissement. Et donc il faut que cela devienne aussi une nécessité. Soit par des mécanismes fiscaux, soit parce qu'il n'y a pas de place et qu'on est alors obligé de les recycler.
Donc de ce point de vue, je crois que cette économie circulaire : c'est l'un des grands sujets à venir. C'est très lié au climat. Parce que c'est comme cela aussi qu'on réduira le CO2. Le bâtiment, c'est 40% des déchets dans le monde. En tonnes. Donc c'est un éléments très important, et je pense qu'on a de gros progrès à faire. Et ils vont se faire, d'abord, dans les villes.
(...)
Daniel Behar : On observe, nous, sur la Chaire ["Aménager le Grand Paris"] d'autres questions, comme la question de l'alimentation, où c'est beaucoup plus complexe. Parce qu'on est, en même temps, une métropole qui produit et qui exporte. Et ça, on ne va pas le changer. Donc, comment être à la fois une ville-monde, et en même temps relocaliser le métabolisme métropolitain ? Là, on est devant une contradiction assez forte."
L'intégralité de cet entretien est à visionner sur la Chaîne Youtube de Saint-Gobain, SaintGobainTV :
→ https://youtu.be/IRyNkoYFZ-c