HDR | Soutenance Habilitation à Diriger des Recherches de Françoise Navarre
23 juin 2021
Madame Françoise Navarre, maîtresse de conférences à l'École d'Urbanisme de Paris (Université Paris-Est Créteil - UPEC), coresponsable du parcours HRU (Habitat et Renouvellement urbain), responsable du parcours MOPU (Maîtrise d'ouvrage des Projets urbains), membre du Lab'Urba, soutiendra, le 29 juin 2021, son Habilitation à Diriger des Recherches en Urbanisme et Aménagement, intitulée :
Les Finances publiques locales :
Plaidoyer pour une vision systémique, territorialisée et diachronique ?
La démarche a été parrainée par Monsieur Bernard Fritsch, professeur à l'Institut de Géographie et d'Aménagement Régional de l'Université de Nantes (IGARUN).
Le jury sera composé de :
Monsieur Guy Baudelle, professeur à l'Université Rennes 2 (président).
Monsieur Xavier Desjardins, professeur à Sorbonne Université (rapporteur).
Monsieur Bernard Fritsch, professeur à l'Université de Nantes (parrain/garant).
Madame Sonia Guelton, professeure à l'Université Paris-Est Créteil (examinatrice).
Madame Antoinette Hastings-Marchadier, professeure à l'Université de Nantes (rapporteure).
Madame Corinne Larrue, professeure à l'Université Paris-Est Créteil (examinatrice).
Monsieur Jean-Michel Uhaldeborde, professeur émérite à l'Université de Pau et des Pays de l’Adour (rapporteur).
Résumé :
En s’appuyant sur les travaux existant en matière de finances publiques locales et sur ceux réalisés (empruntant principalement à l’économie publique locale), le mémoire inédit vise à poser les fondements d’une analyse spécifique des budgets et/ou des comptes des collectivités territoriales (françaises) et de leurs groupements (à fiscalité propre).
Dans un premier temps, une approche longitudinale illustre combien, au cours des trois à quatre dernières décennies, les dépenses et les recettes des collectivités ont progressé, principalement en lien avec les impulsions décentralisatrices. Des interdépendances — de plus en plus complexes — se sont scellées au sein des comptes locaux, dont la structure comme la progression sont marquées par des effets de chaînage inter-temporels, (imputables par exemple aux réalisations antérieures en matière de réalisations d’équipements collectifs). Les évolutions des concours financiers étatiques jouent également un rôle décisif : si leur progression a contribué à alimenter l’expansion des budgets locaux, ces derniers ont dû s’adapter à de soudaines réductions des versements. Les éléments réunis donnent de la consistance à la notion de système financier local, servent à rendre compte des tensions qui le parcourent, mettent à jour quelques-uns de ses traits singuliers, telle sa résilience ou sa soutenabilité.
Tout en étant un préalable indispensable, une telle vision d’ensemble ne résiste pas à l’épreuve des faits : la moindre observation empirique révèle la forte hétérogénéité des situations budgétaires des collectivités, voire les fortes inégalités qui les séparent. Finalement, le système identifié se diffracte en une multitude de sous-systèmes. L’objectif consiste alors, dans un second temps, non seulement à dessiner les contours de ces sous-systèmes mais à mettre à jour leurs logiques de constitution et/ou d’évolution.
La diversité constatée en matière de situations financières locales n’est-elle que la simple reproduction de celle valant en matière de contextes territoriaux ? Ces contextes, s’ils sont décisifs, ne sauraient être entièrement déterminants. Ce serait en effet nier l’effectivité des politiques financières adoptées par les élus locaux qui, en cohérence avec les principes décentralisateurs, sont détenteurs d’un pouvoir tant de percevoir des fonds que de les dépenser, pour l’exercice des compétences revenant à la collectivité qu’ils représentent et plus généralement, à des fins de conduite de l’action publique locale. Leur autonomie est toutefois relative, l’État demeurant toujours présent dans l’administration et la gestion des ressources locales. Quelle portée alors aux politiques financières locales ?
Plusieurs entrées thématiques et diverses explorations (empruntant principalement à la statistique exploratoire, aux analyses multidimensionnelles) sont mobilisées en vue de révéler les influences des contextes, les contenus et incidences des politiques financières locales ainsi que les intrications se nouant entre ces différents registres.
Un temps d’analyse est ainsi dédié à la fiscalité locale, principalement saisie sous l’angle des changements et des continuités introduits par la réforme des impôts revenant aux collectivités (intervenue en 2010 et contenant la suppression de la taxe professionnelle). Il offre l’occasion de formuler — ou de renouveler — les constats selon lesquels les collectivités sont inégales en capacités de taxation et leurs représentants se saisissent eux-mêmes différemment de leur pouvoir de taxation. Il n’existe par ailleurs pas de lien intangible entre abondance ou non de la matière taxable et intensité du recours au levier fiscal. Au sein par exemple des ensembles agglomérés (autour des métropoles telles que récemment créées), plusieurs configurations se dessinent, selon les particularités (résidentielles, productives) des contextes territoriaux, les dynamiques locales antérieures... Les constats engagent d’ailleurs à questionner les capacités des institutions métropolitaines à réunir des recettes à la hauteur des attendus en matière de développement, d’aménagement et de cohésion territoriale.
Des explorations sont consacrées aux emprunts locaux, en tant que modes de financement de l’investissement public local (et notamment, aux recours à des prêts structurés complexes, dits toxiques). D’une part, les politiques locales d’endettement diffèrent, les crédits venant tantôt en complément tantôt en substitution des ressources locales en vue de soutenir les dépenses engagées. D’autre part, les tensions voire les risques liés à la dette se manifestent avec davantage d’intensité dans certains contextes (localités en déprise, touristiques…). L’existence de telles situations critiques amène à constater de grands écarts entre principes décentralisateurs et réalités décentralisées, à interroger les conditions locales d’accès à des ressources et à des instruments de financement et finalement, la notion de politique financière locale.
Une dernière entrée thématique porte sur l’intercommunalité, dite moderne ou communautaire, c’est-à-dire celle qui s’est progressivement mise en place depuis les années 90. Soit encore une focale propice afin de tisser des liens entre transformations institutionnelles, réalités politiques et financières des collectivités. Le partage des ressources (et des compétences) entre communes et groupement (à fiscalité propre) est variable selon les ensembles intercommunaux, ne serait-ce qu’en raison d’un inégal usage par les élus locaux des leviers dont ils sont dépositaires en vue d’adapter le modèle commun aux réalités territoriales. Il reste que les différences — financières — intercommunautaires ne sont plus tout à fait les mêmes que celles qui séparent les communes et ce, même si les inégalités intercommunales demeurent prégnantes. En dépit de cette permanence, la toile de fond dans laquelle se déploie l’action publique communale comme intercommunale se transforme progressivement.
Finalement, les déclinaisons retenues apportent des arguments plaidant en faveur d’une vision à la fois systémique, territorialisée et diachronique des comptes locaux. La conjonction de ces trois dimensions apparaît comme indispensable pour une analyse effective des finances des collectivités, saisies dans leur intrication avec les réalités territoriales et surtout, avec l’action publique telle qu’elle est conduite localement. Elle semble encore féconde afin de prolonger, voire de renouveler, les débats autour des notions de (de)territorialisation, à propos des processus concourants d’homogénéisation et de différenciation territoriale, etc. Elle permet en tout état de cause de tracer les contours d’un programme de recherches (multidisciplinaires), visant à éclairer les zones d’ombre — persistantes — en matière de finances publiques… territoriales.
Pour aller plus loin :
→ Le Master 2 MOPU - Maîtrise d'ouvrage des Projets urbains (mention Urbanisme et Aménagement).
→ Les 20 ans du Master 2 MOPU, en 2018.
→ Le Master 2 HRU - Habitat et Renouvellement urbain (mention Urbanisme et Aménagement).
→ Lecture : Françoise Navarre, "Après un an de Covid, l’heure des choix pour les finances locales ?", dans Métropolitiques, 12 avril 2021. [https://metropolitiques.eu/Apres-un-an-de-Covid-l-heure-des-choix-pour-les-finances-locales.html. Dernière consultation : 23 juin 2021. Archive (pdf).]
Source :
Le Lab'Urba, 29 juin 2021 [https://www.laburba.com/]